Mon parcours…
Le désir intime des formes est pour ainsi dire toujours en acte, il ne peut se satisfaire de l’oeuvre réalisée.
G. Bachelard, 1948
A la fin des années 90. en parallèle à mon activité professionnelle de Maître d’enseignement à la Heds et de psychologue, j’ai appris l’art de la céramique auprès de Virginie Gervais et de Michelle Dethurens, céramistes professionnelles.
Progressivement, j’ai acquis quelques techniques céramiques, expérimenté divers types de terres et de cuisson et j’ai eu la chance de pouvoir exposer mon travail, en tant qu’élève de Michelle Dethurens, lors de quatre expositions qui se sont déroulées dans la ville de Carouge en 2010, 2013, 2015 et 2019.
Mon atelier a vu le jour en 2019, à mon domicile sur le canton de Vaud et, désormais, mon statut de « retraitée » me laisse davantage de temps pour cheminer avec le travail de la terre.
Chaque création artistique est une sorte de défi !
Une croissance sourde, une éclosion souterraine que rien n’empêche … elle est ce qui se fait de soi … » (Untereiner, 1960, p. 289)[1]. Il y a du sensuel et des affects dans le travail de la céramique. Chaque objet créé est en quelque sorte à lui seul « tout un monde ». Aucune forme n’est jamais la même. Chaque pièce est unique et singulière.
Chaque objet créé me donne la possibilité de m’y reconnaître, de m’y confondre, de rencontrer l’autre …
Ce qui m’intéresse fondamentalement ce n’est pas le côté utilitaire.
Ce qui me fascine, ce sont les rapports entre le monde des rêves et celui des réalités, les espaces et les formes qui se révèlent, les contrastes du dedans et du dehors, du créé et du construit.
J’éprouve un très grand plaisir à travailler avec la terre et, depuis peu à allier la terre au bois et au métal … Un plaisir différent pour le façonnage de « sculptures abstraites » que pour le modelage de personnages ou encore pour le tournage. Je crois que je cherche davantage le mouvement et le vivant, plus que « de faire de l’académisme », même si la technique est un outil essentiel, un incontournable sans lequel, j’en suis convaincue, il n’y a pas de liberté possible.
A propos de la céramique…
La céramique est « … une riche et précieuse occasion de jouer avec les éléments de la Nature » [2] ; la terre, l’eau, le feu et l’air
… Un voyage imprévisible …. La terre est exigeante, elle exploite à notre insu toute maladresse. Elle nous rappelle à tout instant notre impuissance. Être d’accord de rentrer dans l’aventure de « la céramique », c’est se mettre en quelque sorte à nu ! « Il nous faut repartir de zéro avec l’angoisse de parvenir… à zéro » [3] !
Malaxer, façonner, remanier… récupérer l’argile. « Jouer » avec les formes, les volumes, les couleurs et les différentes cuissons est une riche exploration en ce qu’elle satisfait divers désirs et, me semble-t-il, des besoins probablement archaïques de symétrie, de répétition et de découverte.
Comme pour Sylviane Dupuis, à propos de l’art, pour moi, la céramique, « ce n’est pas une distraction mais une concentration ».[4]
Que nous soyons « artiste » ou non, tous nous avons une part à la beauté. En réalité, nous sommes tous plus ou moins artistes.
Le simple fait de vivre suppose un certain art de vivre. …. Toutefois, si nous voulons dépasser les clichés, dépasser l’habitude de réserver la beauté à seulement quelques moments privilégiés, nous devons apprendre à habiter poétiquement la terre comme l’a proposé le poète Hölderlin[4].
[1] Untereiner, René. (1960). Réflexion sur la création artistique. Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2, pp.285-293.
[2] Cozzano, L. (2006). A propos du voyage au Japon. La Revue de la céramique et du verre, (147), mars-avril, p.13.
[3] Pontalis, J.-B. (2002). En marge des jours. Paris : Folio, p.15.
[4] Dupuis, Sylviane, 2013). Qu’est-ce que l’art ? 33 propositions. Genève : Editions Zoé, p.9.